La nuit du 15 juillet, un agréable temps d’été pour beaucoup, s’est presque transformée en un cauchemar horrible pour la démocratie turque. Les putschistes traîtres se cachant dans l'armée et liés à l'organisation terroriste Fettullahiste (FETÖ), ont tenté de renverser le gouvernement démocratiquement élu ainsi que le Président et l'ordre constitutionnel en Turquie. En pleine trahison à leurs uniformes sacrés, ils ont massacré les civils qui se sont courageusement tenus contre eux; leurs chars ont écrasé ces défenseurs innocents de la démocratie. Les terroristes ont attaqué la présidence et ont bombardé le Parlement turc alors que les députés étaient à l'intérieur, tout en tentant d'assassiner le Président. Ils ont violemment attaqué les médias libres qui n'ont jamais cessé de diffuser les appels pour défendre la démocratie dans de telles circonstances. Pourtant, grâce à la volonté de l'Etat turc agissant dans l'unité avec son peuple, la tentative de coup d'Etat odieuse a été déjouée et le régime démocratique de la Turquie a été sauvé du bord du précipice.

La Turquie, en tant que membre fondateur du Conseil de l'Europe, bastion des valeurs et des normes universelles démocratiques ainsi que des droits de l'homme et de la primauté du droit, et en tant que pays candidat négociant son adhésion à l'UE, possède heureusement tous les atouts et la maturité pour résister à de telles épreuves tragiques. Oui, la démocratie turque a gagné une bataille ce soir-là. Pourtant, il y a également une guerre à gagner pour clore entièrement cet épisode douloureux de notre vie.

Depuis longtemps, nous informons sans cesse nos amis, partenaires et alliés à propos de Fettulah Gülen et de ses objectifs sinistres qui se sont manifestés le 15 juillet. Malgré tous les efforts pour y contrer, ses adeptes se sont infiltrés clandestinement au fil des ans dans les organismes étatiques, sans parler de leur présence dans le secteur privé et les médias. La tentative de coup d'Etat terroriste déjoué n’a laissé, je l'espère, aucun doute à leur sujet.

Compte tenu de la gravité de la situation le 15 juillet, l'Etat turc a dû prendre les mesures nécessaires pour assurer son ordre public et sa sécurité. Naturellement, cela a été fait tel que prescrit par la constitution et les lois pertinentes et dans le plein respect de nos obligations internationales. Le but de la déclaration de l'état d'urgence n’est ni de restreindre les droits et libertés fondamentaux de nos citoyens, ni de compromettre la démocratie ou la primauté du droit. Il sert à agir de la manière la plus rapide et la plus efficace dans la lutte contre l'organisation terroriste FETÖ et de retourner à la normalité le plus tôt possible.

Dans le plein respect de nos obligations, nous avons également informé le Conseil de l'Europe que les mesures prises dans ce processus peuvent impliquer une dérogation aux obligations découlant de la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH). La dérogation n’est pas une suspension, comme certains l’ont prétendu. De nombreux membres du Conseil de l'Europe, dont récemment la France, ont également fait usage de ce droit dans la mesure permise par la CEDH. Cette disposition permet aux Etats de prendre les mesures nécessaires sans délai pour la protection des droits de l'homme en cas d'urgence menaçant la vie de la nation.

Bien que l'état d'urgence a été déclaré pour une période de 90 jours, nous avons pour objectif d’y mettre fin dès que la lutte contre l'organisation terroriste FETÖ sera menée avec succès.

Comme il est clairement visible dans nos démarches jusqu’à présent, nos mesures ne sont pas motivées par un revanchisme politique, mais prises en conformité avec notre constitution et notre législation ainsi que nos obligations internationales. Naturellement, au cours de l'état d'urgence, les recours judiciaires contre ces mesures sont disponibles, notamment le droit de recours individuel devant la Cour constitutionnelle, sans parler de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

Depuis que le parti AK est arrivé au pouvoir en 2002, la législation turque relative à la démocratie, aux droits de l’homme et à la primauté du droit a continué d'être résolument alignée avec les normes et les standards du Conseil de l'Europe et de la jurisprudence de la CEDH. Plusieurs paquets de réformes ont été adoptés dans ces domaines. Préserver l’Etat de droit par la promotion et la protection des droits de l'homme a toujours figuré en tête de notre agenda politique. La politique de tolérance zéro de la Turquie contre la torture et les mauvais traitements a depuis longtemps été reconnue comme notre législation et le cadre réglementaire à cet égard a été salué déjà en 2004 comme exemplaire par des mécanismes internationaux. La Turquie maintient sa coopération étroite avec tous les mécanismes internationaux relatifs aux droits de l'homme et est l'un des rares pays qui ont émis une invitation permanente aux organes des droits de l'homme de l'ONU à visiter la Turquie depuis 2001.

Tout ce qui précède témoigne de la volonté de l'Etat turc à immédiatement mettre un terme à cet épisode douloureux à travers sa démocratie et la primauté du droit en respectant les droits de l'homme, contrairement à certaines allégations découlant de la campagne de diffamation des adeptes de FETÖ à l’étranger. Il pourrait en effet ne pas y avoir d’autre option pour un pays démocratique. Depuis la nuit du 15 juillet, le peuple turc en provenance de tous les segments de la vie, indépendamment de qui il soutient politiquement, continue à se rassembler dans les places des villes pour montrer son attachement à la démocratie. Les partis politiques au sein du Parlement font la même chose en défendant ensemble nos valeurs démocratiques et notre ordre constitutionnel, dans la consolidation de la cohabitation démocratique contre les vagues de polarisation dans les milieux politiques. Cela nous donne plus d'espoir et de confiance dans notre lutte contre les ennemis de notre démocratie.

Le monde civilisé fait face à des défis toujours plus nombreux contre ses valeurs universelles démocratiques. L’extrémisme se propage sous toutes les formes de violence, le terrorisme étant le plus vicieux parmi elles. Tout en luttant résolument contre le PKK et DAESH, la Turquie a également réussi à écarter un coup d'Etat militaire terroriste contre sa démocratie. Pourtant, notre combat demeure en stricte conformité avec les règles démocratiques. Ainsi, des conclusions hâtives devraient être évitées concernant notre lutte contre FETÖ. Dans ce contexte, il est également regrettable que les Turcs et les amis de la Turquie vivant dans certains pays européens sont confrontés à de graves difficultés, sous certains prétextes, lorsqu’ils tiennent des rassemblements contre le coup d’Etat pour montrer le soutien à la démocratie turque. Alors que la Turquie traverse cette période, ce que nous attendons de nos amis à l'étranger sont la solidarité et la compréhension. Pour cela, nous gardons tous les canaux ouverts comme toujours pour un dialogue constructif.